Electron libre de la scène culinaire, papillonneuse gourmande, Sonia Ezgulian incarne cette générosité du partage, qu’elle déclare héritée de sa grand-mère arménienne.
Alternativement journaliste, puis chef du restaurant l’Oxalis entre 1999 et 2006 à Lyon, auteure d’ouvrages et consultante dans l’univers de la gastronomie, l’enthousiasme de Sonia Ezgulian est en perpétuelle ébullition.
Déjà très impliquée à Lyon autour d’initiatives associatives, Sonia propose des recettes originales pour “la marmite urbaine”. Elle anime aussi des ateliers de cuisine autour de l’anti-gaspillage alimentaire et de la valorisation des ingrédients les plus modestes, dans un esprit ludique et mettant toujours le plaisir au centre de sa transmission. « Ce n’est pas parce qu’on n’a qu’une boîte de sardines que le repas doit être déprimant ! ». Sa spontanéité créatrice et sa bonne humeur étant capables de transformer le plus simple des pique-niques en festin, cette cuisinière – ainsi qu’elle se revendique – aime les défis et les rencontres. « On apprend beaucoup de l’autre, on apprend aussi à parler de cuisine différemment lorsqu’on n’est pas avec un public de professionnels et c’est d’une grande richesse. Ce partage, c’est l’essence de la cuisine, partager un repas avec d’autres, c’est le bonheur, c’est comme recréer à chaque fois une famille. »
“Le partage, c’est l’essence même de la cuisine ! L’idée du Grand RECHO de tous cuisiner ensemble, c’est énorme ! C’est gommer les différences ; on est là juste pour un partage et c’est ça la force de cette idée.”
Le RECHO : La crise environnementale, sociale, humanitaire que le monde connaît, a-t-elle un impact sur le métier de cuisinier ?
Sonia Ezgulian : « On est terriblement en colère d’être si impuissant. Je crois qu’aujourd’hui un chef est forcément engagé : je regarde autour de moi, et les chefs que je vois sont beaucoup plus à l’écoute, de leur équipe comme de ce qui se passe. Ils se préoccupent du gaspillage, de l’approvisionnement différemment. Certains se regroupent autour de collectifs pour acheter mieux, ils s’engagent pour des causes. Cet engagement est très sensible dans le monde de la cuisine, c’est un domaine qui a beaucoup d’impact : ce n’est pas anodin de manger, d’ingérer des aliments… Les chefs ont un rôle de prescripteurs, les citoyens les écoutent. C’est une pédagogie gourmande, pour une cuisine meilleure dans tous les sens du terme. Ils font la preuve par la gourmandise que l’on peut changer les choses ! On sait que la moralisation ne fonctionne pas, sur la façon d’acheter ses ingrédients par exemple, il faut sensibiliser les gens par le positif.
Le RECHO : Au Grand RECHO, les rôles sont inversés : les migrants ne seront pas simplement nourris, ils participeront à la cuisine et nourriront eux-mêmes les Arrageois. Comment percevez-vous cette idée ?
S.E. : « C’est énorme, c’est changer de point de vue ! Et c’est essentiel pour changer de regard. On pense d’abord à des gens assistés malgré eux, et là, ce sont eux qui prennent soin de toi ! Pour réfléchir sur un sujet, il faut des déclencheurs. Prendre les choses sous un autre angle. Petite, je vivais à côté d’un camp de gitans. Quand les gens ont des façons de vivre différentes, ils sont regardés différemment. Mais nous, à l’école, une fois qu’on était assis sur un banc ensemble, c’était pareil ! Le Grand RECHO, c’est ça, c’est regarder les gens hors contexte. Les mêler à tout ça, c’est gommer les différences. On est juste là pour un partage et c’est ça la force de cette idée ! Pour moi, vivre des moments de partage, c’est précieux. Je vis pour ça. Il faut se laisser porter par les choses, et j’y vais joyeuse à l’idée de ces rencontres.»
Propos recueillis par Valérie Gentil
Retrouvez Sonia Ezgulian au Grand RECHO le jeudi 11 et le vendredi 12 octobre.